Ses prises de parole sur les réseaux sociaux l’ont conduit tout droit devant le juge. Luqman Heider, un Pakistanais de 33 ans, a comparu ce jeudi après-midi devant le tribunal judiciaire de Pontoise pour “apologie du terrorisme avec l’utilisation d’un réseau de télécommunications”.
Il est reproché à cet imam qui officiait jusque-là à la mosquée Quba de Villiers-le-Bel d’avoir publié trois vidéos sur TikTok dans lesquelles il a tenu des propos louangeurs envers des attaques jihadistes.
Mise en ligne le 9 septembre, la première vidéo a fait référence aux caricatures de Mahomet republiées par Charlie Hebdo à l’occasion de l’ouverture du procès des attentats de janvier 2015.
Face à la caméra, Luqman Heider a rappelé dans sa langue natale, le Ourdou, que “les fidèles musulmans sont prêts à se sacrifier pour le prophète”. Le lendemain, il a réitéré et précisé “d’envoyer les mécréants en enfer”.
Il a clos son triptyque par une dernière vidéo, le 25 septembre dernier, dans laquelle il a loué l’acte de son compatriote pakistanais accusé d’avoir grièvement blessé au hachoir deux personnes devant les anciens locaux de Charlie Hebdo. Il a salué une action qui a rendu l’assaillant célèbre sur tous les réseaux sociaux.
Luqman Heider est interpellé le 1er octobre et déféré devant le juge, en comparution immédiate, le 5 octobre. Défendu par Me Didier Lelièvre, de permanence ce jour-là au tribunal de Pontoise, le prévenu au casier judiciaire vierge présente ses excuses par la voix de son traducteur et demande un délai pour préparer sa défense.
“Emmanuel Macron avait prononcé son discours sur le séparatisme islamiste trois jours plus tôt. Dans cette atmosphère assez tendue, il m’a semblé plus opportun de lui conseiller de prendre du temps pour préparer l’audience et d’attendre que les esprits s’apaisent un peu”, a expliqué l’avocat à BFMTV.com.
Me Lelièvre ne pouvait pas imaginer que durant ce délai obtenu pour échafauder l’argumentaire de défense, le contexte allait encore s’obscurcir avec deux nouvelles attaques terroristes sur le territoire français. Le 16 octobre, Samuel Paty est sauvagement assassiné en pleine rue pour avoir présenté des caricatures du prophète à ses élèves lors d’un cours d’Histoire sur la liberté d’expression. Treize jours plus tard, un homme muni d’un couteau fait irruption dans une église de Nice et s’attaque à des paroissiens en criant “Allah Akbar”. Bilan : trois morts.
“Ca va forcément planer au-dessus de l’audience”, présage Me Xavier Nogueras qui a repris le dossier après la première comparution de Luqman Heider.
Reste qu’un tribunal est tenu de juger en fait et en droit, la sanction prononcée ne doit pas être influencée par l’actualité. De plus, le prévenu “a regretté ses dires dès sa garde à vue”, assure Me Nogueras. “Il a voulu faire le buzz sur une actualité brûlante pour gagner des followers sur son compte TikTok. Il s’est rendu compte assez vite que l’affaire dépassait largement sa volonté”, a-t-il détaillé.
Si Me Nogueras admet que les vidéos postées par son client entrent dans le cadre de l’infraction d'”apologie du terrorisme”, il a insisté sur le fait que Luqman Heider a fait “l’éloge de l’un de ses compatriotes qui a commis un acte terroriste, mais il ne partage pas sa vision radicale de l’islam. C’est une sorte de dérapage, d’emballement”, a assuré le conseil.
Et d’ajouter : “Il ne savait pas que cela pouvait entraîner de telles conséquences. Je pense qu’il n’a pas compris les tenants et les aboutissants de cette infraction qui flirte avec la liberté d’expression. Il regrette ses propos et les condamne.“
Le prévenu, placé en détention provisoire depuis son interpellation, devait initialement être jugé le 12 novembre, à la suite du délai accordé pour préparer sa défense, mais l’audience a finalement été repoussée à ce jour du jeudi.
Avec BFMTV