Il y a peu, certaines rues de Lomé ont changé de nom selon un système qu’il convient d’appeler adressage des rues. Même si l’aspect technique et utile de ce vaste projet avait été occulté par la signification et la motivation des divers noms attribués à ces rues, il n’est pas exagéré aujourd’hui de se demander si la mayonnaise a pris.
Selon le District Autonome du Grand Lomé (DAGL), l’adressage des rues a pour but notamment, le repérage des citoyens et des institutions dans la ville, la mobilisation des recettes fiscales et des taxes communales, et la délivrance des services publics. Véritable outil de gouvernance locale et de gestion urbaine, ce projet devait permettre, selon la Municipalité de Lomé initiatrice de l’action, de renommer les 4.000 rues de la capitale togolaise.
Il n’est plus surprenant pour les citoyens de tomber sur des rues dénommées « Rue Anaconda », « rue des Lézards », « rue des Mangotiers », « rue de la virginité », « rue des Crapeaux », « rue Hampaté Bas »,« rue du Moulin » etc. Mais, se retrouvent-ils lorsqu’il s’agit d’indiquer un lieu ou de se déplacer vers un endroit inconnu ? Ou, continue-t-on d’utiliser les vieilles méthodes pour indiquer un lieu ou pour s’orienter ?
Pour Kokou Koffi, étudiant à l’Université de Lomé, les rues, dont il a fustigé au passage la pertinence des nouveaux noms, ne servent guère à la plupart des Loméens. Il n’en est rien de la liberté de circulation tend vendue, par les autorités. “Depuis le fameux adressage, personne ne circule mieux”, nous a déclaré l’étudiant qui ne perd pas de vue, une autre évidence : les habitudes ont la peau dure. ”Pour aller quelque part, on fait toujours comme cela se faisait. On donne le quartier et on essaie d’indiquer le lieu exact sur la base d’un immeuble, d’une autre maison, d’un arbre ou d’une revendeuse dans la zone”, a ajouté Kokou Koffi.
Un peu plus loin, nous croisons Agbe, un conducteur de moto-taxi, qui a reconnu qu’effectivement, il voit des pancartes dans les rues. Toutefois, son orientation dans la ville n’en est pas plus facilitée. “En tant que Zedman, je suis dans le métier depuis un moment. J’ai assez d’expérience donc pour me déplacer sereinement dans cette zone ou une autre et gagner mon pain quotidien. “, a-t-il lancé.
Sylvain Etou, cheveux un peu grisants, élégant et souriant, en appelle à l’histoire : ”Avant, en notre temps, nous avions nos propres systèmes pour nous orienter et ça marchait. Aujourd’hui, le gouvernement essaie de tout changer avec des noms de rue bizarres, ces histoires de communes, de préfectures, etc. Pour ma part, je ne vois pas ce que ça a changé significativement”.
Pour Mme Falone ”ces inscriptions sont juste là pour mémoire. Connaissez-vous des conducteurs de taxi ou de taxi-moto qui utilisent ça pour se retrouver? Pas moi en tut cas ”.
Autre son de cloche chez Raymond, businessman. “Bravo au gouvernement“, s’est-il exclamé. ”. Quand nous allons dans les pays voisins, c’est la même chose qu’on voit. Toutes les rues ont des noms alors pourquoi pas chez nous ? Grâce à ces plaques, le Togo évolue aussi un peu”, s’est-il réjoui.
Même si les avis divergent, un constat est sûr : l’adressage des rues dans la capitale a encore du chemin à faire pour intégrer le quotidien des citoyens et participer comme prévu à leur épanouissement.