Aux Nations unies à New York, à l’Assemblée nationale à Paris, au Forum économique mondial à Davos… A chacune de ses très médiatiques apparitions sur la scène politique internationale, la militante écologiste Greta Thunberg, âgée de 17 ans, essuie un déluge de critiques. L’adolescente suédoise serait trop jeune, ferait mieux de retourner étudier, serait manipulée et même payée… Autant d’affirmations auxquelles nos confrères de Franceinfo ont déjà apporté des réponses.
« J’ai lu il y a quelques jours que c’était le père de Greta Thunberg qui lui écrivait ses interventions… Ce qui n’enlèverait rien au fond mais ternirait l’image de la jeune icône. Qu’en est-il exactement ? », se demandait un internaute. Remontons donc le fil de cette polémique, alimentée par les détracteurs de la militante.
Vendredi 10 janvier, le magazine américain Wired (en anglais) rapporte qu’un bug de Facebook a momentanément rendu accessible une information qui ne l’est pas forcément sur le réseau social : l’identité des personnes qui gèrent les pages de personnalités publiques ou d’entreprises a été brièvement consultable. Ce problème de sécurité, survenu à l’occasion d’une mise à jour, a été rapidement corrigé par l’entreprise, mais il a tout de même duré du jeudi soir au vendredi matin.
Ont ainsi été révélés, entre autres, les noms des administrateurs des pages Facebook du street-artiste Banksy, du président russe, Vladimir Poutine, du Premier ministre canadien, Justin Trudeau, du rappeur Snoop Dogg ou encore de la démocrate américaine Hillary Clinton et… de l’activiste suédoise Greta Thunberg.
Des captures d’écran ont alors rapidement circulé sur les réseaux sociaux. Il apparaît que les messages publiés sur la page officielle de Greta Thunberg sont postés depuis le compte du père de l’adolescente, Svante Thunberg, mais aussi depuis celui d’un militant écologiste indien, Adarsh Prathap. Les deux hommes sont donc soupçonnés d’être les véritables auteurs des publications attribuées à l’adolescente.
Ce bug de Facebook ne prouve cependant pas que le père de Greta Thunberg écrit les messages publiés sur la page officielle de sa fille. Il atteste seulement que les publications sont faites depuis son compte, par exemple en recopiant un texte préparé à l’avance ou déjà publié ailleurs. Il suffit aussi que quelqu’un d’autre que lui connaisse son identifiant et son mot de passe pour que cette personne utilise son compte. C’est ce que fait Greta Thunberg, d’après ses déclarations.
Samedi 11 janvier, Greta Thunberg a publié un démenti sur sa page Facebook. “Tous les textes publiés sur ma page Facebook ont bien sûr été écrits par moi, comme tout le reste”, assure-t-elle. La jeune fille explique aussi pourquoi le compte Facebook de son père se retrouve associé à sa page officielle : “Comme j’ai choisi de ne pas être sur Facebook personnellement (j’ai essayé très tôt mais j’ai décidé que ce n’était pas pour moi), j’utilise le compte de mon père Svante pour republier du contenu, car vous avez besoin d’un compte pour modérer une page Facebook.”
Greta Thunberg fournit également une explication pour cet étrange lien avec le militant écologiste indien : “Le reste de ce qui est partagé sur Facebook est republié sur Twitter et Instagram par le gars qui a fondé la page Facebook de Greta Thunberg bien avant que je sache qu’elle existait. Son nom est Adarsh Prathap et il vit en Inde. Comme beaucoup de gens pensaient que c’était ma page officielle au début, j’ai demandé si je pouvais la cogérer et il a dit oui.”
Greta Thunberg dit vrai : on ne peut gérer une page Facebook sans avoir soi-même un compte, comme l’explique le réseau social. N’ayant pas de compte elle-même, selon ses dires, utiliser celui de son père lui permet de remédier à ce problème. De même, le créateur d’une page peut confier la gestion de celle-ci à autant d’utilisateurs qu’il le souhaite, comme le précise Facebook. Et plusieurs personnes peuvent être administrateurs de la même page. Là encore, les explications de Greta Thunberg sont crédibles.
La médiatisation ne fait cependant que commencer. Lundi 13 janvier, le blog ZeroHedge (en anglais) consacre un article au cas de Greta Thunberg. Le même jour, le blog conservateur américain RedState (en anglais) relaie l’information. Celle-ci traverse l’Atlantique mercredi 15 janvier, lorsque l’hebdomadaire ultraconservateur Valeurs actuelles, qui fait sa une sur “l’imposture Greta”, la qualifiant d'”hypocrite”, “apocalyptique” et “hystérique”, reprend l’article au ton accusateur de RedState.
Mais cette controverse récente autour de la page Facebook de Greta Thunberg se double d’une autre, plus ancienne, selon laquelle elle n’écrirait pas ses discours. Là encore, l’adolescente a apporté un démenti. A plusieurs reprises.
Il y a un peu plus d’un an, en février 2019, la jeune activiste a publié un long message sur sa page Facebook, afin de répondre aux “nombreuses rumeurs” et à “l’énorme quantité de haine” dont elle est la cible. “Oui, j’écris mes propres discours”, affirme-t-elle, en réponse à l’une de ces attaques. Greta Thunberg ajoute qu’avant de s’exprimer à une tribune, elle demande l’avis d’experts scientifiques, afin de ne pas dire de bêtises.
“Comme je sais que ce que je dis va toucher de nombreuses personnes, je demande souvent l’avis de quelqu’un. J’ai aussi quelques scientifiques auxquels je demande fréquemment de l’aide pour exprimer certaines questions complexes.” Car, explique-t-elle, “je veux que tout soit absolument correct afin de ne pas propager des faits incorrects ou des choses qui peuvent être mal comprises”.
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Plus récemment, en novembre 2019, Greta Thunberg a accordé une longue interview au quotidien suédois Dagens Nyheter (article payant en suédois), dans laquelle elle a notamment été interrogée sur la manière dont elle avait préparé son intervention la plus retentissante à ce jour, à l’ONU, en septembre 2019.
En relatant la genèse de son discours, l’adolescente a de nouveau confirmé qu’elle écrivait seule ses textes. “J’ai commencé à penser au contenu au milieu de l’été, relate l’activiste dans cet entretien. Ce message serait : ‘Comment osez-vous ?’ Pour fustiger les dirigeants et leur faire honte. Ensuite, j’ai fait ce que je fais toujours, j’ai repoussé les choses. Je n’ai donc commencé à écrire le discours que quelques jours avant [de le prononcer].”
Greta Thunberg réaffirme aussi dans cette interview qu’elle consulte des spécialistes, afin d’être sûre de ne pas trahir la réalité de l’urgence climatique documentée scientifiquement. “Lorsque le discours est raisonnablement clair, raconte-t-elle, je l’envoie à un ou plusieurs chercheurs, ça dépend. Il peut s’agir par exemple d’un expert dans un domaine particulier. Et puis en quelques heures, généralement, j’ai reçu une réponse de leur part. Avec comme commentaires dans le document : ‘Ici vous devez ajouter ceci ou ça’. S’il y a des erreurs factuelles ou des choses qui peuvent être mal interprétées, je les change.”
Avec Franceinfo