Le mercredi 11 novembre, dans une annonce, Google a créé une secousse sur la toile en revenant sur sa politique tarifaire autour de son application Google Photos. Pour l’ensemble de ses utilisateurs, ce sera la fin de la gratuité. Le stockage en ligne que bon nombre avaient choisi, par dépit de n’avoir pas d’autres choix, sera bientôt facturé passé une limite. Un changement de taille après 5 ans d’espace gratuit et illimité.
Non, Google n’aurait pas dû faire ça. Surtout pas en vue du contexte. Sur fond d’enquêtes antitrust, voilà une parfaite démonstration d’attitude monopolistique et de comportement destructeur. La concurrence de Google Photos ? Disparue. Pour tout nouvel utilisateur Android, une seule application déjà téléchargée sur le smartphone. Couplé à une absence de contrainte budgétaire, et c’est tout un marché du stockage en ligne qui s’est réduit, laissant à l’application Photos la part belle pour acquérir nos images.
À compter du 1er juin prochain, le stockage illimité et gratuit en « haute qualité » touchera à sa fin. Google Photos rejoindra le plan de gratuité des quinze premiers giga-octets que l’on retrouve sur Gmail et Drive notamment (espace de stockage qu’ils se partagent), avant de rediriger l’utilisateur vers « Google One », son abonnement payant au cloud. Première offre à 20 euros par an pour 100 Go, et 99 € par an pour pouvoir avoir plus de 200 Go. Seuls les clients de Pixel, le smartphone de Google, sont (pour l’heure) exemptés.
En annonçant cette rupture plus de 7 mois à l’avance, Google entend laisser libre à chacun de modifier son organisation et souscrire à un autre service. Mais Google sait très bien qu’après 5 années à fidéliser ses clients en déformant le marché et en réduisant son nombre d’acteurs, ces 7 mois d’avance ne feront que détourner le regard sur une conduite malhonnête. Cela dit, les alternatives sont nombreuses, à l’instar de pCloud qui pourrait bien tirer son épingle du jeu.
Au-delà de la facturation de l’application Photos, c’est cette conduite monopolistique qui posera problème, avant tout. Le Sénat et le ministère de la justice américaine s’en souciaient à l’égard du marché et de l’économie, voilà qu’il fallait aussi s’en méfier de notre point de vue d’utilisateur sur lequel un piège se referme.
« J’aime payer pour les logiciels en général, et Google Photos est un excellent logiciel. Mais c’est aussi le cas d’un géant utilisant ses ressources infinies pour remodeler le marché à son goût et cherchant ensuite des rentes. Il n’y a pas grand-chose d’exaltant là-dedans », commentait à juste titre sur Twitter le célèbre journaliste Casey Newton, passé par The Verge et bien connu de la Silicon Valley.
Pour les clients comme pour les spécialistes, cette nouvelle annoncée par Google est très mal reçue. Nombreux seront, aussi, les utilisateurs Android qui ne seront pas étonnés, alors que l’attitude de Google à contrôler l’ensemble des services de nos smartphones ne faisait plus de doute. Le service est aussi utilisé massivement sur iOS et sur le web, avec plus de 28 milliards de photos et vidéos téléchargées chaque semaine.
Mais dans l’art et la manière, rien ne s’excuse ici. Comme le rappelait Newton, ces cinq années de gratuité auront atteint leur but premier : détruire tous les concurrents.
À l’image d’Everpix, Loom, Ever ou encore PictureLife, tous n’ont pas pu suivre face à la puissance de Google, qui pouvait aussi peser en pré-installant son application sur chacun des appareils Android et en faisant en sorte de pénaliser les solutions alternatives dans leurs possibilités de synchronisation entre appareils.
Les sept prochains mois sans changement sont une totale ironie. Google explique qu’avant le 1er juin ses utilisateurs pourront continuer à télécharger en nombre illimité leurs photos sur le cloud sans que rien ne soit facturé. Une incitation à faire des provisions, à plonger d’autant plus ses utilisateurs dans la dépendance du service, que d’en laisser la liberté au client de faire un choix.
La démonstration de Google en ce mois de novembre est un coup de maître qui ne change malheureusement rien au marché. Google Photos a encore de beaux mois devant lui, si ce n’est des années, avant que la concurrence retrouve ses marques et puisse se placer en alternative légitime à Google, et visible à nous autres, les utilisateurs. pCloud, OneDrive ou Dropbox doivent déjà s’en frotter les mains.
Avec Presse-citron.