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[Opinion] Du franc CFA à l’ECO : le chemin est encore long

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Le franc CFA ne disparaît pas avec les annonces faites à Abidjan, puisqu’il devrait continuer à prévaloir pour les six pays (1) de la zone franc en Afrique centrale (zone Cemac). Mais dans ces six pays, pour combien de temps ? La question est déjà posée. Pour les huit pays (2) de la zone franc en Afrique de l’Ouest (zone Uemoa), le franc CFA va être remplacé par une nouvelle monnaie, l’Eco, qui réunira les 15 pays membres de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) : les huit précédents, plus le Nigeria, le Ghana, la Gambie, le Liberia, la Guinée, le Cap-Vert et la Sierra Leone.

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L’Eco, monnaie commune ou monnaie unique pour les pays de la Cedeao ? L’ambition, à terme, est clairement celle d’une monnaie unique venant remplacer les monnaies nationales.

Arrimage de l’Eco à l’euro

L’expérience de l’euro, qui peut servir d’exemple – mais non de modèle à répliquer tel quel – souligne les ingrédients d’une telle intégration monétaire : la volonté politique, le respect de conditions de convergence, l’intégration économique et commerciale, une gouvernance économique et politique adaptée.

La volonté politique a été affirmée à Abidjan par le président Ouattara et le président Macron. Mais le Nigeria, poids lourd de la Cedeao, fait déjà entendre sa petite musique, qui insiste sur la volonté d’émancipation totale vis-à-vis de la France. Une France qui, il faut le souligner, a opéré beaucoup plus vite qu’attendu sa mue vis-à-vis de la zone franc, avec la fin du compte d’opérations auprès du Trésor français, la sortie des instances de gouvernance monétaire de l’Afrique de l’Ouest…tout en proposant de maintenir sa garantie et l’arrimage de l’Eco à l’euro. Un arrimage qui pourrait préparer pour plus tard l’ancrage à un panier de grandes monnaies de réserve (dont, bien sûr, le dollar et l’euro).

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Un fort degré de convergence macro-économique est nécessaire pour réussir l’intégration monétaire. Nous en avons fait, à rebours, l’expérience avec la crise de la zone euro à partir de 2010. Les critères de convergence choisis par la Cedeao sont classiques (inflation, déficit budgétaire, dette publique, déficit extérieur…). Comme en Europe, ils privilégient la convergence nominale plutôt que l’essentielle convergence réelle (croissance, emploi, productivité…). En pratique, la convergence avait diminué en 2018. Pour prendre un exemple, l’inflation est nettement plus élevée dans les pays anglophones (Nigeria, Ghana…) que dans les pays de la zone franc. Comme nous l’avons fait avec l’euro, une interprétation souple de certains critères de convergence sera indispensable pour démarrer. Mais, même dans ce cas, l’échéance de 2020, évoquée sans autre précision, semble très hypothétique.

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Un commerce intra-africain faible

L’intégration monétaire est, en principe, le couronnement d’une intégration économique et commerciale poussée. La mobilité intra-africaine des personnes ? Elle est forte, même si elle ne joue pas toujours dans le sens de l’intégration. Le flux de commerce intra-africain ? C’est ici que le bât blesse. Car l’intégration commerciale intra-africaine demeure faible , très en retrait de celle constatée dans l’UE. Dans le cas de la zone franc, elle n’a guère progressé malgré l’homogénéité et la stabilité créées par le franc CFA. Les raisons de cette faible intégration réelle sont nombreuses ; elles tiennent en particulier à la spécialisation des pays membres, polarisée autour de la production et de l’exportation de matières premières. Cela ne changera pas du jour au lendemain, même si l’arrivée de l’Eco est susceptible, à long terme, de doper les échanges intra-Cedeao.

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Quant à la gouvernance de l’Eco, l’exemple de l’euro, avec ses avancées, mais aussi ses défis, suggère qu’il faudra pour les quinze de la Cedeao mettre en commun beaucoup plus que la monnaie. L’Afrique de l’Ouest devra centraliser des ressources au niveau de la Cedeao et se donner les moyens politiques de ses ambitions économiques et monétaires. La réussite d’un tel projet aurait une résonance claire pour l’ensemble du continent africain, mais également au plan mondial.

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1) Cameroun, Centrafrique, Congo, Gabon, Guinée-Equatoriale et Tchad

2) Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal et Togo

Par Christian de Boissieu est professeur émérite à Paris I et vice-président du Cercle des économistes.

Avec LesEchos