Après avoir porté plainte, en juillet, pour «viol en réunion» contre un groupe de jeunes touristes israéliens, une Britannique âgée de 19 ans a été reconnue coupable, à Chypre, de «méfaits publics» et risque jusqu’à un an de prison et 1700 euros d’amende.
L’affaire, qui fait la une des médias britanniques, prend des allures d’imbroglio diplomatique alors que le tribunal chypriote doit prononcer sa condamnation le 7 janvier prochain.
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Les avocats de la jeune femme ont prévu de faire appel auprès de la Cour suprême chypriote et envisagent, si nécessaire, de saisir la Cour européenne des droits de l’homme.
Les faits
Les faits remontent au 17 juillet 2019. Ce matin-là, la jeune fille raconte avoir eu un rapport sexuel consenti avec un Israélien dans sa chambre d’hôtel de la station balnéaire chypriote d’Ayia Napa, connue pour ses plages et ses boîtes de nuit. Mais soudain, le jeune homme serait «devenu plus agressif que d’ordinaire». D’autres garçons – entre sept et douze selon les médias britanniques – seraient ensuite entrés dans la chambre et l’auraient violée. La jeune femme réussit alors à s’échapper et se rend dans une clinique locale. Le docteur qui l’examine découvre des contusions et des égratignures avant d’appeler lui-même la police.
La Britannique porte plainte auprès du commissariat local. Dès le lendemain, une douzaine d’hommes, âgés de 15 à 22 ans, sont placés en détention pendant huit jours. Le 25 juillet, cinq d’entre eux sont libérés au motif qu’aucune preuve par ADN n’a été retrouvée.
De victime à coupable
Tout bascule le 27 juillet, lorsque l’étudiante est convoquée au commissariat pour donner des «informations complémentaires». Désormais, on l’accuse d’avoir menti. Après huit heures d’interrogatoire, elle signe une rétractation et est formellement accusée, à 02h30 du matin, de «fausse déposition sur délit fictif». Le lendemain, tous les autres suspects sont relâchés. Ils pourront rentrer en Israël où des images les montreront accueillis en «héros» par leurs proches.
Le 30 juillet, la jeune femme est placée en détention provisoire. Elle est désormais accusée de «méfaits publics», un délit qui consiste à faire entreprendre une enquête avec l’intention d’induire en erreur.
Mais six jours plus tard, l’étudiante assure avoir été forcée de signer sa rétractation par la police. Après plus d’un mois de détention, la Britannique plaide non coupable et est remise en liberté à la condition de se rendre trois fois par semaine au commissariat dans l’attente de son procès, qui débute le 15 octobre. Entre-temps, son passeport lui est retiré. Le 30 décembre, dans une salle d’audience comble, elle est reconnue coupable de «méfaits publics».
Dans sa déclaration, le juge Michalis Papathanasiou assure que l’étudiante aurait agi ainsi en raison de ses sentiments «de peur et de honte», après avoir découvert que certains des jeunes Israéliens l’avaient filmée avec leurs téléphones portables, en train d’avoir un rapport sexuel consenti avec l’un des jeunes hommes du groupe. La jeune femme risque donc un an de prison et 1700 euros d’amende. Six mois après les faits, elle n’a toujours pas pu rentrer chez elle au Royaume-Uni.
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Droit au procès équitable
Ses avocats, qui ont depuis fourni des éléments de preuve du viol présumé – dont des textos et images échangées entre les Israéliens – dénoncent un «procès non équitable» et plusieurs «violations» lors de la procédure judiciaire.
Ainsi, la police n’aurait pas pris la peine de collecter des preuves dans la chambre d’hôtel ni de sécuriser la scène de crime. La défense assure également que le stress post-traumatique de la jeune femme, entraînant des troubles de la mémoire, n’a pas été pris en compte par les enquêteurs. L’étudiante a en outre été interrogée huit heures durant jusqu’à tard dans la nuit, sans pouvoir consulter d’avocat, sans traducteur et sans être autorisée à appeler sa famille. Enfin, l’interrogatoire précédant la signature de la rétractation n’a pas été enregistré.
Remous diplomatiques
Au fil des mois, l’affaire a suscité de vifs remous aussi bien en Israël, à Chypre, qu’au Royaume-Uni. Le 30 décembre, des militantes contre les violences faites aux femmes s’étaient rendues devant le tribunal en soutien à la jeune Britannique. Au Royaume-Uni, l’affaire a été largement relayée dans les médias qui n’ont pas manqué de questionner le système judiciaire chypriote et son respect des normes judiciaires européennes. Dans les heures qui ont suivi le verdict, des appels au boycott touristique de Chypre sont apparus sur les réseaux sociaux. Or, les Britanniques forment non seulement le principal contingent de touristes pour l’île, mais le Royaume-Uni reste aussi un allié important de Chypre où il dispose de plusieurs bases militaires.
L’affaire judiciaire risque désormais de se transformer en imbroglio diplomatique: le Foreign office du Royaume-Uni a lui même exprimé sa «profonde inquiétude» quant au respect des règles d’un procès équitable. Le gouvernement chypriote a rétorqué en disant avoir «pleinement confiance» en ses tribunaux.
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«Racisme institutionnel»
Sur l’île méditerranéenne, l’affaire divise. Des citoyens, sur les réseaux sociaux, soutiennent la décision de la justice et regrettent les pressions de Londres sur Chypre, y voyant des relents de colonialisme. À l’inverse, l’ancien procureur général Alecos Markides a plaidé pour la révocation des accusations contre la Britannique.
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Plusieurs femmes ont également apporté leur soutien à l’étudiante, à l’instar de Maria Pappouridou, militante au sein d’un réseau local contre les violences faite aux femmes. «C’est inquiétant de voir comment un viol s’est transformé en accusation de méfaits publics, s’alarme cette Chypriote de 43 ans. Dès le début, il y a eu des manquements dans l’enquête de police et un préjugé contre cette jeune fille qui n’a jamais été considérée comme une victime». Selon cette activiste, l’affaire a également ravivé les critiques vis-à-vis de la police nationale, accusée de misogynie et de racisme à l’encontre des femmes étrangères. «À Chypre, quand les femmes vont dénoncer des violences, notamment sexuelles auprès de la police, elles ne sont pas crues. Et malheureusement, nous avons un racisme institutionnel qui se révèle affaire après affaire», accuse-t-elle.
Vendredi 3 janvier, la jeune femme a exhorté le premier ministre britannique Boris Johnson à intervenir et à la ramener chez elle. Une manifestation en sa faveur est prévue lundi à Londres.
Avec Lefigaro